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Le petit rationaliste
17 décembre 2021

Sade et « la philosophie dans le boudoir » : un texte anti républicain ?

Pour une fois, et ce ne sera pas une habitude, je n’ai pas relu ce livre avant d’écrire. « La philosophie dans le boudoir » du marquis du Sade contient un texte « Français, encore un effort si vous voulez être républicains ». En complet désaccord avec la plupart des commentateurs, dont celle de Wikipédia1, je vais proposé une analyse de la pensée de cet auteur développée profondément différente dont je pense qu’elle est nécessaire.

Michel Onfray2 a mis des mots sur le malaise que j’ai ressenti quand j’ai lu Sade. Quand il décrit Sade en aristocrate jaloux de ses privilèges, comme une description des crimes commis en pensée et au moins en partie dans la réalité de son comportement, j’ai pensé qu’il avait raison. Et quand il affirme que la présence de ce texte républicain est plus dû à une nécessité, celle d’éviter une décapitation par guillotine, c’est une affirmation dont, pour moi, il faut tenir compte. Mais cette affirmation de la nécessité d’échapper à un sort funeste n’explique pas la présence de ce texte particulier dans ce livre particulier.

La philosophie dans le boudoir, c’est le passage entre un discours et une pratique. Et c’est outre une pseudo naturalisation des comportements que le marquis présentent. Et le reste de l’ouvrage dit la pratique par rapport à son discours républicain. Il justifie, tout au long du livre, un comportement par rapport à une affirmation textuelle. Et la discussion du salon, qui donne les raisons d’un comportement déviant qu’il justifie. Chez Sade, la description des crimes est une habitude. Mais que cherche-t-il donc à humilier et à tuer ici ?

C’est aussi, en plus de sauver sa peau, de montrer l’attitude qu’il veut que le lecteur envers le texte qu’il écrit pour la circonstance. En effet, la discussion pseudo philosophique est celle d’aristocrates discutant avec des prêtres ou d’autres puissants. Les gouvernants du lieu de l’action abusent d’une presque enfant. La description des sévices qu’elle subit reste une série d’horreur qui m’a amené à ne pas relire ce texte. Car au nom d’une domination sur les humbles, tout au long de ce livre, il détruit la partie républicaine qu’il a écrite.

Cacher les crimes, tenir un double discours, manipuler les auditeurs et les mener à ne pas respecter une affirmation faite dans une annonce, tel est le but. Et c’est toute la contradiction entre l’affirmation d’un républicanisme dans une minuscule partie et le reste du texte qui affirme l’inégalité existentielle entre les puissants et les humbles. Si la partie du texte pro révolution affirme l’égalité, le reste du texte, dont l’introduction vante dès le début le sort qui lui est réservé, développe une philosophie profondément réactionnaire contre ce mouvement populaire.

Sade affirme qu’au nom de l’inexistence de dieu, dans ce texte et dans toute son œuvre, tout peut se justifier, mentir, cacher et commettre toute sorte d’actes violents, quitte à user de la pression politique, financière ou religieuse pour dissimuler l’inacceptable, le crime et particulièrement le crime sexuel. Car dans l’œuvre, les vrais héros sont non la victime des multiples sévices commis au nom de « l’éducation sexuelle » de l’adolescente, mais ceux qui viole non seulement la jeune femme, mais la tue à de multiples reprises, les résurrections et soin miraculeux servant à laisser croire, dans le sens religieux, que c’est bon pour elle. Et à chaque torture, chaque humiliation décrite pour cette jeune femme, c’est un démenti du texte républicain.

Ce texte est un texte réactionnaire. Sous le prétexte d’affirmer un idéal égalitariste, il justifie son désir de mort de la révolution et de son idéal républicain. S’il fallait tirer une devise du livre, ce serait « Domination, inégalité, assujettissement». Le terme sadique ne s’est pas lier pour rien à une pratique basée sur la douleur et la soumission. Cette pratique pour Sade doit être aussi celle de la société et il veut être du coté des dominants, quitte à affirmer l’opposé.

Sade est l’athée à jeter. Son objectif est celui de l’asservissement des autres à son désir, sans compte de l’assentiment de celui qui le subit. Pour lui, puisque dieu n’existe pas, tout lui est permis. Il fonde une pensée profondément autoritaire, inégalitaire et morbide. Et « la philosophie dans le boudoir », au nom d’une nature qui justifierai la domination de quelques-uns au nom d’une auto-désignation, reste profondément anti-démocratique.

Si les athées ne sont pas forcement immoraux, Sade démontre qu’un athéisme sans conséquence peut tout autant que les religions justifier le crime. Comme athée militant, je combats cette philosophie. S’il peut être possible de construire une morale vitaliste, amoureuse de la vie et des plaisirs, elle doit se faire contre Sade autant que contre les religions.

17/12/2021

Fabien Micolod

2 Michel Onfray/ Les ultras des lumières, contre histoire de la philosophie T4. Grasset, 2007. Chapitre le libertinage féodales. ISBN 978-2-253-08445-7 (édition poche)

Pour précision, j’ai relu le chapitre après avoir écrit ce texte et comme pour le reste ai travaillé de mémoire.

Citations

P 284 Les prélèvements du philosophe. Sade philosophe ? On l’a dit. Mais souvent en se contentant de voir en lui un lecteur intéresse des matérialistes et des auteur l’état de nature ou le relativisme des athées français. Sade comporte avec le monde , les autres, les gens : en animal de proie qui décharne selon ses besoins, pour son bon plaisir, selon son bon vouloir. Le féodal prélève sa dîme sur les auteurs matérialistes de l’époque – à quoi il ajoute des considérations sur le relativisme des lois qui témoignent d’une lecture attentive de Rousseau et de l’auteur de l’Esprit des lois.

PP 298/299 Le château de Silling n’est pas le produit n’est pas un produit aléatoire et nécessaire de la nature mauvaise et méchante, cruelle et criminelles, mais la création volontariste et culturelle d’un cerveau hanté par la pulsion de mort. Tout fascisme procède d’une crainte de l’impuissance – donc une impuissance réelle… – conjurée par la puissance surjouée. Si d’aventure il existait un sous-homme, nul doute qu’il définirait le fasciste.

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